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Une grande erreur scientifico-m�dicale

Mireille Guay
Docteure en chimie organique

�dition du vendredi 7 octobre 2005

Il fallait bien qu'on nous la ram�ne un jour, l'id�e fausse voulant que le fluorure prot�ge contre la carie dentaire! L'effet protecteur est plut�t le fait du strontium ou du mangan�se, deux ions qui accompagnaient le fluorure dans les eaux de villes am�ricaines, �tudi�es vers 1936. C'est ce que j'avais affirm� en 1988 aux audiences publiques sur la fluoration de l'eau potable de la Ville de Montr�al. Joseph Biello, alors commissaire et conseiller municipal, avait soulign� que j'�tais une des rares personnes � tenir des propos mesur�s.



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Pour �tre mesur�s, mes propos n'en �taient pas moins fermes. La fluoration de l'eau potable est l'une des plus belles erreurs scientifico-m�dicales du si�cle dernier; elle est exemplaire pour comprendre comment des id�es fausses s'installent, se propagent et se perp�tuent. Les personnes qui d�sirent lire un r�sum� du processus peuvent consulter mon livre Chimie g�n�rale et organique (D�carie �diteur, pages 159 � 161).

En 1988, j'�tais contre la fluoration de l'eau potable pour au moins trois raisons. La premi�re est que le fluorure est nocif pour les insuffisants r�naux, les diab�tiques et les personnes dont au moins une enzyme de la glycolyse est moins performante que la normale. Une ville qui fluorerait l'eau aurait donc � installer des adoucisseurs d'eau chez toutes ces personnes; elle devrait aussi avertir les gens de passage que l'eau est fluor�e.

La deuxi�me raison, et non la moindre, est que le fluorure n'est pas la substance qui prot�ge contre la carie; comme je l'ai mentionn�, ce sont des ions, pr�sents � l'�tat de trace et non dos�s en 1936 faute de moyens techniques. La troisi�me raison est qu'un exc�s de fluorure ab�me les dents, rend les os plus durs mais cassants et perturbe les grandes voies m�taboliques et la biosynth�se du tissu conjonctif.

On ne s'improvise pas scientifique

Si je me permettais en 1988 d'�tre aussi affirmative, c'est parce que je ne m'�tais pas content�e de lire les livres publi�s par l'OMS sur la question, qui sont des r�sum�s de r�sum�s de r�sum�s, chaque r�dacteur ayant retenu ce qui lui semblait bon, en fonction de son jugement et de son opinion. Je suis remont�e aux sources; j'ai lu et analys� les articles scientifiques originaux, les critiques et �ventuellement les critiques de critiques.

J'ai commenc� ce travail de moine avec l'opinion commune voulant que le fluorure prot�geait les dents; il m'apparaissait simplement dangereux de donner du fluorure � chacun et en tout temps, en l'ajoutant � l'eau. � la fin de ma recherche bibliographique, je pouvais affirmer que le fluorure peut au mieux tuer les bact�ries de la bouche quand il est appliqu� localement et qu'en ajouter � l'eau potable est une ineptie. [...]

Je donne ici quelques exemples de ce que j'ai d�couvert comme oublis, erreurs et autres fautes en faisant ma recherche.

- Deux villes du Japon avaient fluor� leur eau. Le taux de caries est devenu plus �lev� dans la ville dont l'eau �tait fluor�e que dans l'autre. Cette donn�e scientifique n'est jamais rapport�e dans les livres publi�s sous l'�gide de l'OMS ni dans les autres rapports pr�nant la fluoration.

- H. T. Dean, qui, le premier, d�clara que le fluorure prot�ge les dents contre la carie, a reconnu dans des audiences publiques que certaines de ses donn�es n'�taient pas statistiquement fiables. Cette information n'est jamais mentionn�e dans les rapports favorisant la fluoration de l'eau.

- Une �tude comparative a �t� faite entre les villes de Richmond et de Windsor, en Estrie. Les auteurs ne se sont pas demand� quelle eau buvaient les r�sidants. Or les gens de Windsor avaient coutume d'aller chercher de l'eau � une source proche, et beaucoup ne buvaient pas l'eau de l'aqueduc.

- Aucun rapport (en 1988) favorisant la fluoration de l'eau ne tenait compte de d�couvertes scientifiques s�rieuses et r�centes : fluorose en cas d'insuffisance r�nale, perturbation par le fluorure de la biosynth�se du tissu conjonctif, augmentation de la teneur en fluorure des aliments � la suite de l'usage immod�r� d'engrais chimiques, nouvelles analyses de l'eau de villes am�ricaines et n�o-z�landaises �tablissant une corr�lation entre le strontium ou le mangan�se et la protection des dents.

Pauvret� d'abord

Au cours de leur formation, les scientifiques apprennent � reconna�tre leurs erreurs, � les analyser et � s'en servir pour faire progresser leur champ de recherche. Cet apprentissage n'est pas facile car il faut �craser une infantile vanit� avant d'acqu�rir l'orgueil de dire �j'ai fait de la bonne science�. Je doute que les dentistes aient beaucoup appris � dire �je me suis tromp� au cours de leur formation. Je doute aussi que leur statut professionnel leur donne l'occasion de le faire par la suite.

Par cons�quent, apr�s 1988, je ne m'attendais pas � ce que l'Ordre des dentistes reconnaisse la validit� de mes arguments. Toutefois, on a progressivement appliqu� du fluorure de strontium, plut�t que du fluorure de sodium ou de calcium, sur les dents des enfants. Cette modeste victoire me suffisait tant qu'on ne parlait plus de fluoration de l'eau potable. Mais qu'on remette sur le tapis cette mesure en sachant que les caries actuelles sont le fait de la pauvret� et de la mauvaise alimentation qui l'accompagne, voil� qui me fait bondir !

La nutrition �tant une science � la remorque des autres sciences (biochimie, physiologie, techniques d'analyse), il y a plus de risque dans ce domaine de sauter rapidement � des conclusions erron�es. On ne devrait se frotter � ce domaine qu'avec un bagage scientifique � la fois large et sp�cialis�, un esprit critique aiguis� et, plus que tout, un solide bon sens. Comment peut-on en 2005 oser pr�tendre que donner la m�me chose � tout le monde par le truchement de l'eau potable sera b�n�fique � chacun alors que les individus sont si diff�rents ?

Il est d�solant de constater que, trop souvent, les personnes instruites oublient que le bon sens est la partie la plus importante de l'intelligence humaine; une science sans bon sens n'est pas de la science.



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